A Tuscon, la verticale qui rajeunit et féminise l’audience de l’Arizona Star
Conçu il y a 4 ans avec les méthodes du design thinking et organisé comme un média indépendant, #ThisIsTucson est destiné aux femmes trentenaires d’une ville de la taille de Nantes, et touche une audience de 200 000 personnes. Cette verticale de l’Arizona Daily Star, le quotidien local historique, cherche sa rentabilité par tous les moyens et teste le modèle de membership.
Cet objectif, la plupart des journaux locaux l’ont élevé au rang de priorité stratégique et vitale : il faut rajeunir l’audience. Quitte à repartir de zéro avec une nouvelle marque. Un choix opéré avec succès, par exemple, par La Voix du Nord avec Vozer, dès 2017. De l’autre côté de l’atlantique, à Tucson, une ville américaine de la taille de Nantes, le quotidien The Arizona Daily Star a adopté la même approche, en créant #ThisIsTucson.
Irene McKisson, la responsable du développement des audiences pour ce journal du groupe Gannett, a détaillé le projet lors d’un webinaire organisé par Local Media Association. “Quand, en 2016, la direction a demandé à plusieurs d’entre nous d’atteindre une audience plus jeune, nous avons choisi d’aborder la question différemment, en montant un vrai projet entrepreneurial« , explique la jeune femme.
“J’ai emmené une équipe s’installer en centre-ville, en dehors de la rédaction du journal, parce que je savais que nous allions garder les réflexes de l’édition papier si nous restions sous le regard des rédacteurs en chef. »
Demander à l’audience avant de se lancer
Pour réussir ce nouveau produit destiné à une nouvelle audience, Irene McKisson a suivi une méthode prisée par les startups : “Nous avons utilisé le lean innovation framework et le design thinking. Dans un premier temps, nous avons fait beaucoup de sondages, des entretiens, puis nous leur avons présenté des choses pour voir leur réactions.”
Cette approche, centrée sur l’utilisateur et ses besoins implique des échanges réguliers avec l’audience visée, avant même le lancement du média. Une manière d’économiser du temps et de l’argent, insiste Irene McKisson : “Les sondages et les entretiens vous évitent des erreurs coûteuses. Il fallait prendre toutes les précautions pour limiter les risques de lancement d’un produit trop vertical, car cela demande beaucoup d’investissement pour un petit média comme le nôtre.”
Concrètement, il a fallu définir le plus précisément possible l’audience recherchée. Il est possible de la formaliser en créant un persona, en clair un personnage fictif mais représentatif de l’audience : “Notre persona s’ appelle Jessica. C’est une millennial, elle a une famille, elle aime sortir, elle aime savoir tout ce qui se passe… Ces principes nous ont beaucoup aidé pour savoir en quoi on peut lui être utiles. Par exemple, en ce moment, on explique comment obtenir des allocations logements, des repas gratuits…”
Tester le modèle d’adhésion
Quatre ans après son lancement, #ThisIsTucson a multiplié les points de contacts avec son audience cible, les femmes de 25-35 ans : un site web, une application mobile, des réseaux sociaux, trois newsletters, avec une audience mensuelle d’environ 200 000 personnes. Les contenus sont centrés sur les loisirs, la cuisine et l’éducation, avec une attention originale pour les nouveaux habitants de Tucson, auxquels sont proposés une newsletter de découverte de la culture locale et un groupe Facebook privé.
Au-delà de ce travail inédit de conception éditoriale, l’équipe de #ThisIsTucson devait résoudre le problème du modèle économique : “C’est à dire comment le numérique peut générer des revenus, et notamment comment on peut tirer des revenus essentiellement de nos lecteurs”, résume Irene McKisson.
Durant les trois premières années, les revenus provenaient principalement de la publicité, mais uniquement sous la forme de contenus sponsorisés ou d’intégration d’adresses dans les articles d’idées de sorties. #ThisIsTucson a également commercialisé l’organisation d’événements pour mettre en contact les centres de vacances et les écoles privées avec des parents. Enfin, une boutique en ligne a été ouverte autour de la marque, avec son cactus qui fait office d’emblème de la communauté de lecteurs.
Alors que les groupes de presse traditionnels privilégient la publicité et l’abonnement, Irene McKisson a proposé à la direction du Arizona Star de tester un modèle d’adhésion. Soutenue financièrement par Google News Initiative, la démarche a débouché sur le lancement d’une campagne d’adhésion… 4 jours avant le confinement sanitaire décrété aux Etats-unis.
Objectif : 2% des abonnés des newsletters
L’équipe d’Irene McKisson a commencé par sonder ses lecteurs en leur transmettant des questionnaires : “Ils nous ont dit qu’ils étaient prêts à adhérer si on leur expliquait pourquoi on a besoin de leur soutien, rapporte Irene McKisson. Nous pensions qu’il faudrait leur prouver en permanence la valeur de ce qu’on fait, donner des choses en contrepartie. Nous avons appris que ce n’est pas forcément vrai.”
En 7 mois, la campagne a permis de recruter 300 adhérents, avec une contribution moyenne de 10 dollars par mois. “Pour l’instant, nous respectons notre objectif qui est de 800 membres au bout de 12 mois.”
L’indicateur de performance construit pour cette campagne est basé presque exclusivement sur les emails, “parce que nous avons observé que les adhésions se font surtout grâce aux mails et les lecteurs avec lesquels on échange par mail sont beaucoup engagés”. Irene McKisson estime que 2% des abonnés des newsletters de ThisIsTucson sont susceptibles d’être convertis en adhérents. Pour atteindre l’objectif de 800 membres, doit donc faire progresser son audience newsletters et dépasser la barre des 40 000 abonnés. Le petit média lancé par l’Arizona Star se rapprochera alors de l’équilibre.
Extrait de l’article publié dans notre newsletter du 10 décembre 2020.
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