Coronavirus : une choc brutal pour les médias locaux nord-américains
Avec sept à dix jours de décalage par rapport à la France, les mesures de distanciation sociale ou de confinement prises outre-atlantique affectent fortement l’économie des médias américains et canadiens, à commencer par les éditeurs locaux. Dans de nombreuses rédactions, il n’est pas question de télétravail ou de chômage partiel pour préserver l’emploi, mais de licenciements directs et massifs. “J’ai dû annoncer à la moitié de mon équipe de journalistes qu’ils perdaient leur emploi”, déplore Olivier Robichaud, le directeur de l’information du journal Métro à Montréal.
Jon Allasop de la Columbia Journalism Reviewégrène les licenciements aux Etats-Unis et parle ni plus ni moins d’une “apocalypse” pour les médias locaux, la crise du coronavirus venant “sérieusement aggraver tous les problèmes à la fois” dans un secteur déjà fragilisé. Dans un long article publié sur NiemanLab, Ken Doctor constate que tous les journaux connaissent des pics d’audiences numériques et souligne l’ironie de la situation : “Les Américains n’ont peut-être jamais été autant en contact avec les journalistes et prêts à payer pour l’info, mais à court terme, l’économie branlante qui a soutenu ces journalistes semble désormais presque impossible à maintenir”.
Le consultant note que seuls les médias locaux dont le modèle repose principalement sur l’abonnement – et qui mènent une politique agressive en la matière – semblent pour l’instant tirer leur épingle du jeu, à l’instar du Dallas Morning News ou du Colorado Sun. Un constat partagé par Tim Franklin, le directeur de Local News Initiative, qui résume bien le dilemme auquel sont aujourd’hui confrontés nombre d’éditeurs : “Le besoin de revenus d’abonnement numérique est encore plus critique pour la viabilité financière. Mais dans le même temps, fournir gratuitement aux citoyens des informations vitales pendant l’urgence sanitaire est un service public inestimable.”
Dans les colonnes de The Atlantic, Steve Waldan, le co-fondateur de Report for America (voir SMILe #13), s’inquiète quant à lui pour les médias indépendants et associatifs : “Ces petites entreprises de votre ville qui ferment à gauche et à droite ? Ce sont des annonceurs pour votre journal local. Et l’effondrement du marché boursier ? C’est également dévastateur pour les fondations locales qui financent les organismes de presse à but non lucratif.”
Face à l’urgence de la situation, il semble que ce soit le moment ou jamais d’encourager les citoyens à s’abonner (ou se réabonner) à un média local, comme en témoigne cet appel lancé par le Gouverneur du Vermont auprès de ses administrés. D’autres voix s’élèvent pour demander aux gouvernements de débloquer des fonds d’urgence ou de taxer les GAFA. De son côté, Facebook a déjà annoncé un fonds exceptionnel de 100 millions de dollars supplémentaires pour venir en aide aux médias pendant la crise du coronavirus, dont 25 millions seront distribués aux médias locaux sous forme de bourses.
Cet article est extrait de notre newsletter de veille SMILe du 2 avril 2020. Pour vous abonner, c’est par ici !