Les prédictions du NiemanLab pour les médias locaux en 2021
Après une année éprouvante pour les certitudes, les professionnels des médias d’outre-atlantique ne se risquent pas à annoncer“the next big thing”. Leurs prédictions, rassemblées par le NiemanLab, relèvent plutôt des bonnes résolutions. Voici notre sélection.
Pour John Saroff, le patron de Chartbeat, les confinements imposés par la pandémie et le recours généralisé au télétravail vont accélérer l’arrivée dans les petites villes de nouveaux lecteurs mais aussi de professionnels des médias, qui ont tendance à fuir les “capitales médiatiques” comme New-York ou Paris. Ce qui ne manquera pas d’entraîner de nouveaux besoins en information de proximité et de nouveaux projets de médias locaux.
2021 sera l’année de l’offensive des plateformes sur le marché de l’info locale, annonce Edward Roussel, responsable de l’innovation au Wall Street journal. Parmi ces nouveaux acteurs : Citizen. Cette application mobile alerte l’utilisateur des faits-divers en cours dans son quartier et lui permet de filmer et diffuser l’événement en direct. Son éditeur vient d’annoncer une levée de fonds de 73 millions de dollars.
L’engagement n’est plus un vain mot
Anna Nirmala en est certaine : l’engagement des lecteurs va passer du rang de vague concept, sous-estimé dans les rédactions, à la priorité opérationnelle. Selon la vice-présidente de l’American Journalism Project, les médias locaux devront non seulement écouter, comprendre et satisfaire les besoins des habitants mais aussi répondre à ces trois questions : « Sommes-nous pertinents ? Sommes nous représentatifs ? Sommes-nous lus ?”.
Des objectifs de performance personnalisés
Parmi les bonnes résolutions de Graeme Brown, le rédacteur en chef du site britannique BirmighamLive, figure le recours à des “metrics” plus qualitatifs. Ces indicateurs de performance d’un média se focalisent bien souvent sur les mesures d’audience. Ils rassurent en interne, mais importent peu aux lecteurs. Graeme Brown envisage d’organiser en 2021 de nouvelles campagnes avec des objectifs affichés et mesurables, à l’image de l’opération “BrumWish” qui visait à offrir un cadeau de Noël à chacun des mineurs sans-abri de Birmingham.
L’âge mûr du format vidéo
Pour David Chavern, le directeur de News Media Alliance, le syndicat professionnel des médias américains, le format vidéo est arrivé à maturité pour l’info de proximité. A condition bien sûr de tirer les enseignements du mirage du pivot du tout vidéo encouragé il y a quelques années par Facebook. A condition aussi de savoir composer avec le texte et l’audio et être en mesure de créer des formats éditoriaux originaux. David Chavern cite en exemple le travail du quotidien new-yorkais Newsday.
Un retour des médias publics ?
L’universitaire Victor Pickard appelle de ses vœux la fin de “l’ère commerciale du journalisme local” et refuse de voir Google et Facebook comme des sauveurs de médias locaux. Une aide publique des médias se met en place dans certains États comme l’Ohio et le New-Jersey et les médias soutenus par des fondations, sans but lucratif (Philadelphia Inquirer, Texas Tribune, City Bureau…) sont cités en exemple. Mais Victor Pickard estime que la philanthropie restera insuffisante pour assurer la viabilité des médias locaux. Il se prononce en faveur d’un “système public de médias”, soutenu par l’argent public, voire des médias créés de toute pièce par des administrations locales.
L’un des rares exemples aux Etats-Unis remonte à 1912 : le Los Angeles Municipal News, créé par la ville. Comme le raconte ici le Washington Post, le journal était dirigé par trois habitants élus et accordait un traitement égal à toutes les formations politiques de la ville ayant obtenu au moins 3% des voix aux élections. L’expérience aura duré un an, écourtée par une campagne de protestations vigoureuses des journaux commerciaux de la ville, dont le Los Angeles Times, qui y voyaient une concurrence déloyale.
Un rappel historique qui fait écho en France au Journal de Saint-Denis, un hebdo créé il y a près de 30 ans par la ville francilienne, mais géré et édité par une association. En réaction à des conflits internes à la rédaction, le conseil municipal vient de décider l’arrêt son soutien financier (70% des revenus), signant la fin probable du journal dans les semaines à venir.
Cet article est extrait de notre newsletter du 7 janvier 2021. Pour recevoir chaque semaine l’édition premium de notre veille pour des décideurs des médias de proximité, abonnez-vous !