Quels modèles économiques pour les nouveaux médias indépendants ?

Made in Perpignan, Far Ouest et Sparse sont trois médias locaux indépendants français. Leurs édeiteurs et Clare Cook, enseignante et chercheuse au Media Innovation Studio (UCLAN), ont échangés leurs points de vue sur la construction d’un modèle économique viable. la conversation était animée par Cyrille Frank, Directeur de l’ESJ Pro Paris.
  • Maïté Torres a crée son média en ligne en 2016 pour répondre à un manque de pluralité de l’information dans les Pyrénées-Orientales. Made In Perpignan est un média de proximité gratuit, ouvert à tous, qui aborde l’information politique et générale. 
  • Flo Laval a crée Far Ouest, la revue qui raconte le Sud-Ouest entre journalisme et série documentaire. 
  • Pierre-Olivier Bobo est à l’origine du média associatif Sparse et distribue un trimestriel papier gratuit en Bourgogne-Franche-Comté. 

Les trois médias ont un point commun : leur modèle économique repose sur plusieurs activités.

Formation et éducation aux médias

Made in Perpignan intervient principalement dans des établissements scolaires et des prisons. Sous forme d’ateliers, Maïté Torres et ses collaborateurs font de la sensibilisation aux fake news, expliquent comment les journalistes travaillent et proposent du décryptage d’information. Les sessions sont financées par la région, le ministère de la Culture ou le ministère de l’Education. Sparse, le média associatif de Bourgogne-Franche-Comté a également une activité de formation auprès d’établissements scolaires qui permet de générer un quart des revenus de l’entreprise. 

Tous les intervenants se sont accordés sur un point, il est impératif d’être vigilant au rapport entre le temps passé et les revenus générés lors de ces ateliers, qui peuvent représenter 15 à 30% des recettes annuelles. Pour cela, Maïté Torres suggère de bien structurer les interventions. Made In Perpignan travaille par exemple avec le Club de la presse, tous les ateliers ont la même structure (durée et profil des intervenants) ce qui permet de passer moins de temps lors de la préparation. 

Création de contenu pour des tiers

Les médias profitent également de leur expertise et compétences spécifiques pour générer des revenus additionnels. La connaissance du secteur des médias et le ton employé sur Sparse ont permis à Pierre-Olivier Bobo de se démarquer des agences traditionnelles et d’attirer des clients pour qui l’équipe de Sparse crée du contenu. 

La création de contenu est également une source de revenu pour Far Ouest qui a fait rentrer une société de production bordelaise à son capital. Spécialisée dans la production pour la télévision, la société bordelaise bénéficie maintenant de l’expertise web de Far Ouest. 

Maïté a choisi un autre modèle pour Made in Perpignan, la vente de contenu non exclusif. Les journalistes produisent des articles pour des médias qui ont besoin de contenus locaux, mais contrairement aux contenus produits par Sparse ou Far Ouest l’article est aussi publié sur le site de Made In Perpignan. 

Crowdfunding

Le crowdfunding peut également être une solution intéressante si elle est utilisée occasionnellement et pour financer des projets précis. Sparse à par exemple utilisé HelloAsso pour une campagne qui appelait la communauté de lecteurs à les aider à financer leur structure qui s’est vue dans l’impossibilité de diffuser son magazine papier suite au confinement.  Pierre Olivier Bobo (Sparse) à insisté sur l’importance de la transparence, de l’honnêteté envers ses lecteurs, mais surtout sur l’importance de la communauté. 

Communauté 

Tous les intervenants étaient d’accord pour souligner l’importance qu’à eu leur communauté dans le développement de leur média. Important, mais également extrêmement exigeant et chronophage. Il faut être à l’écoute de ses lecteurs et très réactif notamment sur les réseaux sociaux.

Pierre-Olivier Bobo (Sparse) aime organiser régulièrement des rencontres en physique pour réunir sa communauté. Flo Laval (Revue Far Ouest) préfère organiser des évènements moins réguliers, mais pour lesquels il prend le temps d’inviter des personnalités reconnues en fonction du thème choisi pour l’événement, avec son festival Coup de Franc par exemple. Ce type d’événement permet à la Revue Far Ouest de gagner en visibilité sur le moment mais également sur le long terme grâce à la rediffusion des conférences sur Internet. 

Pour faire grandir sa communauté, les intervenants suggèrent de réutiliser les articles pour alimenter les réseaux sociaux. Si une personne n’est pas dédiée à plein temps à la gestion des réseaux sociaux, l’idée est de garder le fond et de changer la forme. Il s’agit de donner un aperçu du contenu pour donner envie au lecteur d’approfondir. 

Un conseil clé qui englobe les autres sur le sujet de la communauté est d’apporter aux lecteurs ce pour quoi ils suivent le média. Cela peut paraître évident, mais implique de bien connaître son audience grâce à une écoute active de ses retours et non basé sur des suppositions. Le marketing n’est pas un gros mot, il est même essentiel de connaître sa cible et de comprendre comment s’y adresser. 

En conclusion, il n’y a pas de recette miracle et unique pour faire grandir un média indé, il est important d’être à l’écoute de ses lecteurs et de ne pas chercher à faire comme les autres. 

Alizée Le Gac