Comment « Enlarge your Paris » valorise les randonnées urbaines

Images : Jérômine Derigny, WEDODATA
Lancé en 2013, ce média culturel en ligne s’est positionné sur le Grand Paris, alors en gestation, en se focalisant sur sa banlieue. 7 ans plus tard, Enlarge Your Paris est devenu un prestataire incontournable pour les établissements publics et les collectivités qui construisent ce territoire et cherchent à sensibiliser les habitants au projet. Pour les séduire, Vianney Delourme et Renaud Charles ont créé un produit éditorial original : les randonnées urbaines.

Comment avez-vous développé cette idée des randonnées urbaines ?

Renaud Charles : Avec l’audience que nous avions au lancement, on ne pouvait pas se reposer sur la pub.  On a donc commencé à créer des événements autour de notre marque Enlarge Your Paris. Et la randonnée urbaine s’est imposée, parce que c’est assez facile à mettre en place. 

La société du Grand-Paris sont venus un jour sur une de nos randonnées, sur le sentier « street-art », et on s’est dit « pourquoi ne pas faire une marche sur le tracé du Grand-Paris Express ? ». C’est à ce moment-là que la marche est devenue un prolongement du média. 

On a commencé en 2018 par les randonnées urbaines du Grand-Paris Express, qui ont réuni en tout pas loin de 5 000 personnes. Il y a eu une dizaine de marches, avec des parcours différents, avec à chaque fois, entre 80 à 100 personnes qui s’inscrivaient pour une randonnée de 15 kilomètres, par exemple entre Arcueil et Vitry.  Et on s’est retrouvé à bloquer les inscriptions, parce qu’on ne pouvait pas gérer 200 personnes.

Ce ne sont pas seulement des visites commentées. Pendant une journée, on s’immerge dans des territoires qu’on ne connaît pas, on rencontre des gens et des lieux culturels et on se rencontre entre marcheurs.

Ici le client est intéressé par notre audience, qu’on lui propose en organisant un événement. On fait découvrir son projet, le métro, et les territoires qui vont être desservis. C’était une manière de sortir de la communication de chantier et de se projeter dans ce que serait ce Grand Paris avec le métro.

On a aussi proposé à la Métropole du Grand Paris d’organiser des rencontres, durant un an, autour de l’agriculture urbaine, avec des conférences, des ateliers. La Métropole nous a acheté une expertise et aussi une audience. Par l’intermédiaire du média, elle s’adresse à un public plus large. On a terminé par une randonnée. A l’été 2019, durant 12 jours, on a fait la “transhumance du Grand Paris”, le tour de Paris avec un troupeau de moutons de bergers urbains installés en Seine-Saint-Denis. C’était une façon de montrer les espaces verts, et les initiatives d’agriculture urbaine. Il y a eu une couverture médiatique absolument folle. Pour ce client, c’était une manière de montrer le territoire différemment. 

Quelles sont les conditions d’organisation de ce type d’événements ?  

C’est un travail éditorial. On se charge de l’animation de la marche, du repérage, de ce qui sera raconté… Tout est fait en interne. La préparation d’une marche prend 5 à 6 jours. On est toujours en veille, ce qui permet d’aller plus vite. 

Il faut être assurés, faire une déclaration en préfecture deux mois avant quand on dépasse un certain nombre de participants. On organise la billetterie avec des services en ligne gratuits, comme EventBrite.

Quels revenus ces randonnées permettent-elles de générer ?

Notre chiffre d’affaire repose pour un tiers de l’événementiel (dont les randonnées urbaines), un tiers sur les contenus (publi-rédactionnel et édition de guides touristiques) et un tiers sur la régie publicitaire. On travaillait la régie depuis un an et elle a vraiment décollé cette année, avec un chiffre d’affaires qui avoisine les 90 000 euros.

Aujourd’hui, ce produit trouve une seconde vie avec les entreprises en interne, pour les collaborateurs. C’est un temps de réunion informelle, qui permet de mieux connaître un territoire, de rencontrer les collègues ailleurs qu’à la machine à café. 

Quelles sont vos autres pistes de diversification ? 

Nous avons aussi lancé un guide en partenariat avec BETC, et une collection, les petits guides du Grand Paris, pour Grand Paris Aménagement, qui est aussi vendue en librairie. 

Enfin, on s’intéresse au design urbain. En 2018, on a répondu à un concours, Faire Paris. On a proposé d’implanter une signalétique métropolitaine dans Paris pour indiquer la direction de lieux méconnus. Par exemple, la basilique Saint-Denis, qui est pourtant la nécropole des rois de France, n’accueille que 150 000 visiteurs par an, quand Notre-Dame en accueille 19 millions. Les panneaux ont été installés en 2019 et 2020. On vient de candidater à nouveau pour proposer à l’ONF et l’agence régionale des espaces verts de mettre une carte des forêts sur les grilles des squares et des parcs. C’est une manière de donner de l’information sur un territoire 

Aujourd’hui, le Grand Paris n’est pas encore dans les têtes. On constitue une audience autour d’un sujet qui n’a pas encore pris toute sa mesure. Mais tous ceux qui travaillent sur le Grand Paris nous connaissent. On n’aura jamais l’audience du Parisien. Mais sur le grand Paris, notre marque, notre média est une référence.

Comment avez-vous réussi à constituer votre audience sur un territoire a priori très concurrentiel ?

Nous étions des banlieusards qui se heurtaient à un « plateau de mille-vaches » de l’information, avec des sources partout, mais rien qui les regroupe et qui raconte une histoire à l’échelle régionale. Notre parti-pris de départ, c’était de ne pas du tout parler de Paris.  Depuis, on a raccroché les wagons, mais on traite à 70% de la banlieue.

C’est très dur de créer une audience, même sur un territoire de 12 millions d’habitants, sur un sujet qui n’intéresse personne, c’est-à-dire le Grand Paris et l’Ile-de-France. Sur Google Trends, ce territoire est très peu demandé. Je me suis amusé, lorsqu’on a commencé, à regarder les tendances de recherche du mot « sortir » devant toutes les villes de banlieue. Il n’y avait rien. Et pourtant Montreuil, Nanterre ou Argenteuil  comptent 100 000 habitants et des théâtres, des salles de concerts, une réalité culturelle.  

On a donc commencé par créer un marque , « Enlarge your Paris », puis on fédéré un noyau d’audience. L’idée de départ était de s’adresser avant tout aux banlieusards, même si notre audience est aujourd’hui composée de Parisiens à 60%.

On a produit des informations culturelles, et on a très vite élargi à l’écologie et l’économie sociale et solidaire. L’audience est venue petit à petit grâce aux réseaux sociaux. Sans Facebook, on n’existerait pas. En tout cas, à l’époque, l’audience n’était pas aussi chère et les algorithmes n’étaient pas les mêmes sur Facebook. Aujourd’hui, c’est sur Instagram qu’il y a une vitalité de l’audience, sans faire grand chose.  

Notre site comptait 15 000 lecteurs par mois il y a quatre ans, 100 000 début 2020, avec un boom d’audience au mois de mai dernier. En sortant du confinement, les franciliens ont commencé à taper sur Google « où sortir en Île-de-France ». Autant dire qu’on était plutôt bien référencé.  Et là, le trafic organique du moteur de recherche a complètement explosé, avec 300 000 lecteurs en un mois. C’est un peu comme si on avait travaillé ce déconfinement depuis 7 ans ! Le site a trouvé tout son sens à ce moment-là, auprès d’un public nettement plus large. 


Enlarge Your Paris

Positionnement : journal en ligne sur la culture et la ville durable

Zone de couverture : Grand Paris

Effectif : 3 salariés et 5 pigistes réguliers

Chiffre d’affaires : 200 000 € (prévisionnel 2020)

Sources de revenus : événementiel, publicité, publi-rédactionnel, édition