Sites partenaires : la stratégie de plateforme du groupe SIPA-Ouest France


Et si le lecteur trouvait tout ce dont il a besoin sur une plateforme d’info sans repasser (trop souvent) par la case Google ? C’est l’ambition du Groupe propriétaire du quotidien Ouest-France, qui multiplie depuis trois ans les partenariats avec des éditeurs indépendants. Audience, publicité, référencement… Qu’y a-t-il à gagner des deux côtés ?

Sur le site de Télénantes, le petit logo Ouest-France est apparu discrètement la semaine dernière dans le header, accompagné d’une redirection de l’URL vers le domaine ouest-france.fr. Si ce changement n’a pas de conséquence sur l’indépendance de la télé locale nantaise, il illustre la stratégie de plateforme suivie depuis trois ans par le groupe SIPA-Ouest France. 31 sites, dont ceux de médias comme Le Drenche ou Runners, sont devenus partenaires du groupe SIPA-Ouest-France. Les audiences de ces sites totalisent aujourd’hui 15 millions de visites par mois. Un chiffre à mettre en regard avec les 174 millions de visites du site de Ouest-France au mois de novembre (ACPM).

La démarche répond à l’objectif prioritaire du groupe : satisfaire le lecteur en lui proposant une profondeur de contenus très importante. Cette richesse renforce l’engagement de l’internaute et doit à terme le convaincre de s’abonner. Cette stratégie de contenus permet également au Groupe d’atteindre sur le numérique une  position parmi les  leaders qu’occupe déjà sur le papier Ouest-France, premier journal français en diffusion.“Pour intégrer le cercle des  leaders, il fallait que notre site tienne le choc, explique Jean-Joseph Lattuada, responsable de projets chez Ouest-France. Nous avons donc lancé une refonte de la plateforme”, mise en lignejuste avant l’élection présidentielle de 2017. “Et nous l’avons construite pour être en mesure d’accueillir des producteurs de contenus et services.”

“Nous avons beaucoup investi sur un moteur de recherche, avec Algolia, ajoute Jean-Joseph Lattuada. Plus ce moteur est performant, plus on est exhaustifs, moins les gens vont sortir de notre univers, et moins nous serons dépendants de Google.” 

Audience multipliée par trois

En retour, les sites partenaires bénéficient de l’effet de traction de Ouest-France : plus de visibilité et un meilleur référencement sur les moteurs de recherche. “Nous établissons un reporting sur leur position SEO, avec une analyse de la concurrence et nous leur faisons des recommandations” précise Jean-Joseph Lattuada. Car l’intégration d’un nouveau site sur la plateforme peut aussi avoir des conséquences fâcheuses sur la “réputation” du site auprès des moteurs de recherche. “Nos experts SEO ont l’habitude de dire que cela soulève un peu la poussière ! C’est pourquoi nous passons beaucoup de temps à sécuriser cette transition SEO.”

Pour l’instant, l’effet sur l’audience de ces sites est toujours le même : une croissance continue, jusqu’à trois fois l’audience initiale dans le cas de Citation du jour. C’est le  tout premier partenariat, établi en 2017. Son créateur,  Christophe Hilmoine, un expert SEO fondateur de BeWeb, était alors prestataire de Ouest-France. “Nous avons appris avec lui. L’offre a été construite sur cette base et nous l’avons fait fait évoluer petit à petit”

De nouvelles opportunités pour la régie publicitaire

La croissance des revenus publicitaires est l’autre intérêt majeur côté partenaire. Et, dans une moindre mesure, pour Ouest-France, qui cherche avant tout à augmenter l’engagement de ses lecteurs pour les convertir ensuite en abonnés : “La publicité est venue ensuite comme un moyen de financer le projet”. Les conditions de partage de ces revenus font l’objet de négociations et restent donc confidentielles. “Ouest-France partage la valeur créée avec le partenaire; c’est donc un partenariat gagnant pour les deux parties”.

“L’un des intérêts pour le partenaire est l’apport d’une régie, car pour les sites les plus petits, autour de 50 000 sessions par mois, il est impossible d’accéder à certains services de plateformes publicitaires.”

Cela implique de réaménager entièrement les emplacements publicitaires du site, qui peuvent être commercialisés par Additi, la régie du groupe SIPA-Ouest-France. Une régie qui trouve là un moyen d’élargir son inventaire et de proposer aux annonceurs de nouveaux segments. L’audience est en effet plus facile à cibler sur des sites de cuisine comme Odelices, de jardinage comme Jaime-Jardiner ou de sports mécaniques comme Le Mag Sport Auto.

Ouest-France apporte également son aide sur des sujets complexes à aborder par une petite équipe, comme les questions juridiques soulevées par le RGPD. “Nous mettons à disposition notre propre plateforme de gestion consentement (CMP). Et pour beaucoup d’acteurs, ça n’a pas de prix. La façon d’implémenter une CMP joue énormément sur les revenus publicitaires que l’on peut générer.” 

Le choix des partenaires se fait à la fois sur les sujets traités et sur son audience. “Nous nous donnons une limite en dessous de laquelle nous préférons attendre avant de prendre contact : 200 000 à 250 000 visites par mois, précise Florian Billé-Hauet, Business Developer des Partenariats. Mais, cela dépend vraiment des sujets. Nous avons été amenés à travailler avec des sites dont les audiences étaient assez confidentielles, parce que les contenus étaient intéressants, avec un potentiel de croissance.” C’est le cas de Kifim, un site de recommandation de films, séries, jeux et livres, dont l’audience était plus confidentielle. “Il nous est même arrivé de créer un nouveau site avec un partenaire, se souvient Jean-Joseph Lattuada : un site de conjugaison, qui est en croissance permanente depuis un an et demi, avec 60 000 visites aujourd’hui.”

Validation éditoriale

Sur le plan éditorial, l’éditeur partenaire  conserve son indépendance mais il doit respecter quelques règles. “Ce n’est pas le plus simple. On veut protéger l’indépendance éditoriale du partenaire, mais pour autant, dès lors que nous accordons le label Ouest-France, nous demandons le respect d’une charte.” Si le projet est piloté par la direction numérique, la rédaction en chef reste décisionnaire sur le choix du partenaire, dont les contenus doivent être conformes à la charte, aux valeurs et à la ligne éditoriale de Ouest-France.

Une étape de validation essentielle pour la suite, car on imagine facilement les tensions que peuvent provoquer dans les rédactions cette nouvelle famille élargie. « Ça a provoqué des discussions au début, admet Jean-Joseph Lattuada, mais c’est moins problématique aujourd’hui, à partir du moment où les contenus sont de qualité.” Il n’y a pas non plus, à ce jour, de domaine éditorial réservé à Ouest-France.

De son côté, l’équipe en charge des partenariats prend soin de rassurer les éditeurs qui pourraient craindre une absorption à terme de leur site ou une disparition de leur marque. Cette relation est considérée comme une prestation BtoB, et ces clients Ouest-France entend bien les garder  “le plus longtemps possible, car cela demande un travail important de mise en place, assure Jean-Joseph Lattuada. On vise du très long terme.”  Même si les contrats prévoient une reconduction tacite tous les ans.

Cet article est extrait de notre newsletter du 17 décembre 2021. Pour recevoir chaque semaine l’édition premium de notre veille destinée aux professionnels des médias de proximité, abonnez-vous !