Cette année encore, le Festival de l’info locale organise un prix pour récompenser les médias émergents. Neuf candidatures ont été reçues cette année. Depuis la première édition en 2019, les candidats ont porté des propositions variées, sur le fond comme sur la forme, avec à chaque fois une volonté affirmée de repenser le journalisme de proximité en s’appuyant sur le papier et le numérique, l’ancrage territorial, des modèles économiques innovants et une ligne éditoriale engagée. Voici trois tendances qui se dessinent.
Zoom sur les zones rurales
La presse de proximité, c’est aussi celle qui couvre les zones rurales. C’est sur ces territoires parfois délaissés par les médias traditionnels que plusieurs médias ont souhaité se positionner. Parmi les candidats cette année, L’Audacieux se concentre ainsi sur la Haute-Vallée de l’Aude, un territoire confronté à des problèmes d’isolement géographique et de désertification médicale. Quand au Repère en Velay, il s’est donné pour mission de valoriser la Haute-Loire, en mettant en avant sa culture, sa nature et son patrimoine. Objectifs affichés : créer du lien et donner la parole aux initiatives citoyennes. En 2023, c’était déjà le cas avec un média comme Champs Libres, plateforme sur la culture en Nouvelle-Aquitaine.
Ligne édito : place aux solutions
Le journalisme de solutions est également au cœur des propositions. C’est une tendance que l’on retrouvait dès 2019 avec des médias comme Marcelle à Marseille ou Demain Vendée et en 2022 avec Horizons le mag. Souvent ce prisme va de pair avec la couverture des enjeux climatiques à l’échelle locale. C’est le cas cette année avec trois médias. Tikographie, média associatif du Puy-de-Dôme, se focalise sur l’adaptation des acteurs locaux aux défis environnementaux. Radio Anthropocène, basée à Lyon, interroge nos modes de vie et leur compatibilité avec le changement climatique. À Lyon toujours, Lyon Positif donne la parole à ceux qui agissent pour le changement sur son territoire et met en valeur les initiatives engagées ayant un fort impact sur la vie locale.
Du digital-first au social-first
Plusieurs nouveaux médias font le choix d’une présence 100% médias sociaux, à l’image de Kita, lauréat du prix FIL l’an passé. Cette année, c’est le cas de « TaVille TaVie« , qui couvre les Alpes-Maritimes et le Var ou encore Le Repère en Velay. L’Essentiel, également candidat, a de son côté choisi le format newsletters pour proposer, chaque jour, un aperçu positif et concis de l’actualité dans dix grandes métropoles. Malgré tout, le papier n’a pas dit son dernier mot. Sur chaque édition du prix, on retrouve des médias imprimés parmi les candidats : Pépites Magazine en 2019, Court Circuit en 2022, Sphères Régions en 2023. Ils sont trois cette année : La Voix du Caillou en Nouvelle-Calédonie, L’Audacieux et le magazine Célib@Rouen.
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10 projets inspirants
Législatives
La campagne des législatives est lancée et avec elle, une large couverture médiatique notamment dans la presse locale. Comment innover quand on est pris de court ? En Île-et-Vilaine, la chaîne TVR a imaginé un format vidéo vertical pour expliquer les enjeux dans les huit circonscriptions de la région. À Nantes, l’équipe de Médiacités a lancé un “éphémère carnet de campagne”. Et du côté des radios, les 44 antennes locales de France Bleu lancent un dispositif spécial avec émissions, débats et décryptages, en partenariat avec France 3.
L’Union annonce le lancement d’une offre vidéo 100% verticale baptisée VVV pour “vidéo verticale vérifiée”. Le modèle, disponible sur le site mobile du titre, s’inspire des codes des réseaux sociaux, notamment des carrousels et des stories, et offre aux lecteurs un fil d’actualité composé exclusivement de vidéos. Créés par la rédaction, les contenus sont vérifiés et promettent de se distinguer par leur qualité.
Abonnements numériques
La plateforme Actu.fr fait un premier pas vers le paywall. Depuis la fin de l’année 2023, La Presse de la Manche, seul quotidien du groupe Publihebdos, travaille à la monétisation de ses contenus en proposant environ 30% de sa production en accès payant. Francis Gaunand, le patron du groupe, indiquait mi-juin dans Les Clés de la presse : “Actu a été pensé d’emblée comme un portail de presse locale gratuite à dimension nationale, reposant sur un modèle d’audience, qui est la mère de tous les combats, et une monétisation par la publicité.” Les tests menés à Cherbourg depuis six mois devraient pourtant s’étendre à 12 titres du groupe dès la rentrée de septembre.
Bilan carbone
Engagé dans une vaste démarche environnementale, Ouest-France publie le bilan carbone du journal, en baisse de 4% en 2023 par rapport à 2022. Des efforts ciblés ont été menés pour améliorer l’efficacité énergétique et réduire les émissions associées à la production et à la distribution. Parmi les postes les plus gourmands en énergie : le fret (34%), les intrants comme le papier et les encres (25%) et le portage du journal (15%). De son côté, le groupe Ebra annonce une diminution constante de son empreinte carbone depuis 2021 et reçoit le prix d’Or aux Positive Awards pour ses engagements en faveur de l’environnement.
Local+
Quand la presse nationale mise sur le local. Aux États-Unis, le nouveau PDG du Washington Post, Will Lewis, fait déjà beaucoup parler de lui. Parmi les pistes envisagées pour booster les abonnements, Lewis propose l’introduction d’un abonnement premium pour du contenu local exclusif. Newsletters, partenariats et expériences réservés aux locaux de Washington DC seraient au cœur de cette initiative, baptisée pour l’heure “Local+”.
People
Nice-Matin à la conquête de la presse people ? Le groupe a annoncé mercredi 12 juin le rachat de l’agence de paparazzi Bestimage. “Notre idée est de créer des contenus propres sur le people sur la Côte d’azur, essentiellement sur le numérique, en utilisant leur fonds photo”, explique son PDG, Jean-Louis Pelé, à l’AFP. La dizaine de personnes qui travaillaient jusqu’alors pour Michèle Marchand, la reine de la presse people, est reprise.
Hors-série
Le journal indépendant Le Crestois lance une carte et un guide inédits de la vallée de la Drôme. Au programme de ce format réalisé à l’aide d’une cartographe et d’une designer graphique : les bons plans de la rédaction pour profiter de l’été dans la région.
Ce hors-série estival, disponible depuis le 14 juin, est édité en français et en anglais. Garanti sans IA.
Lettre ouverte
Un groupe de neuf pigistes basés dans des villages et villes moyennes du Lot, de l’Aveyron, de l’Ariège et du Tarn, a créé le collectif Champ Libre. Mobilisés pour une meilleure représentation des territoires ruraux dans les médias, ils publient une lettre ouverte dénonçant les déserts éditoriaux et appellent les rédactions à décentraliser l’information en réinvestissant les campagnes.
Modèle économique
Comment s’en sortir quand on est un média local et indépendant installé dans un pays qui n’offre quasiment aucune aide à la presse ? Au Portugal, Mensagem, qui traite de l’actualité à Lisbonne, publie un article par jour grâce au travail de trois personnes à temps plein et trois à temps partiel. Et surtout, grâce au soutien financier d’une base de 500 donneurs réguliers et aux projets menés en partenariat avec des entreprises et acteurs publics et culturels du territoire.
Adhésion
The Bristol Cable a augmenté ses revenus d’adhésion de 25% en un an grâce à une vaste campagne de sensibilisation, des événements communautaires et un gros travail de communication. En mettant l’accent sur le journalisme d’investigation et l’engagement local, la coopérative médiatique a su fidéliser et attirer de nouveaux adhérents. L’objectif d’un peu plus de 70 000 euros récoltés d’ici à la fin du mois d’août devrait être atteint.
Diversification
Dans sa présentation du plan stratégique pour les trois années à venir, la direction de Centre France a mis l’accent sur deux axes de développement. D’abord, poursuivre le chantier du numérique en misant sur la production de nouveaux contenus, notamment des podcasts, vidéos ou formats longs ; et sur la mise en place de nouveaux services payants. Ensuite, diversifier ses activités autour de la production audiovisuelle, la formation et l’événementiel.
Ça peut aussi vous servir
Digital News Report
Le Digital News Report 2024 est sorti. Si le constat global est assez morose, on a relevé plusieurs chiffres intéressants pour les médias locaux. D’abord, l’info locale est considérée par toutes les tranches d’âge comme essentielle. En France, le taux de satisfaction du public à l’égard des médias locaux s’élève à 54%, avec un taux de confiance envers la presse régionale qui atteint, lui, 63%. À noter, 20% des Français disent regarder une télévision publique régionale ou locale chaque semaine. Autre constat : seule une minorité de Français paye pour s’informer (11%). Parmi eux, 19% déclarent avoir souscrit un abonnement à un média local.
Livre blanc
L’Arcom a dévoilé son livre blanc de la radio, mardi 18 juin. “Le média radio a besoin d’un horizon. Il doit pour cela sortir de l’incertitude et préparer à la bascule en tout-numérique”, a annoncé son président, Roch-Olivier Maistre. La date de 2033 a été retenue pour cette bascule. Ce qui laisse neuf ans aux radios françaises, parmi lesquelles de nombreuses radios associatives locales, pour préparer cette transition majeure.
Investigation
Les journalistes de médias locaux bretons subissent pressions et intimidations. C’est ce que révèle un article de La Revue des médias qui interroge plusieurs reporters victimes notamment de menaces de mort de la part de l’extrême droite, comme ce fut le cas pour le rédacteur en chef du Poher ; et de pressions policières pour révéler leurs sources. Rien que cette année, quatre journalistes du Télégramme ont été auditionnés. En avril, le rédacteur en chef du quotidien s’exprimait dans une tribune : “Cette pression sur notre rédaction n’a jamais été aussi forte depuis la création de notre journal.”
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