160. State of local news : les pistes des médias locaux américains qui réussissent

L’école de journalisme de la Northwestern University a sorti la 3e édition de son rapport sur l’état de la presse d’information locale aux Etats-Unis. Nous vous en parlions, il y a 15 jours, cela leur a notamment permis d’identifier 206 comtés américains sans médias locaux. Pour contrebalancer ce constat alarmant, le rapport met également en avant des “bright spots”, des médias locaux qui ont réussi à développer un modèle soutenable. 12 dirigeants ont ainsi été interviewés pour présenter les clés de leur réussite. On vous propose de revenir sur quelques-unes des pistes qu’ils présentent.

Un “time wall” plutôt qu’un paywall

La plupart des médias présentés ont adopté un modèle à but non lucratif et donnent accès à leurs contenus gratuitement. Mais pour offrir des contreparties aux lecteurs qui les soutiennent, certains innovent. C’est le cas du média en ligne BoiseDev, basé dans l’Idaho. Depuis 2019, il a mis en place un “time wall”, qui permet aux adhérents d’avoir un accès anticipé aux articles qu’il publie. “Le time wall ne résume pas à lui seul notre proposition de valeur, mais c’est un des éléments qui permet d’ajouter de la valeur à nos lecteurs”, explique Kara Johnson, cofondatrice du média. Concrètement, les lecteurs non adhérents n’ont accès aux articles les plus récents qu’une fois passé un certain délai (ce délai n’est pas précisé).

Investir dans la relation avec le public

Un des points communs des 12 médias est d’avoir mis l’accent sur l’écoute qu’ils portent à leur public et à leurs problématiques afin de mieux les servir. Pour cela, ils sont nombreux à avoir mis en place un poste de responsable de l’engagement du public. C’est le cas par exemple au Salt Lake Tribune où une rédactrice en chef est chargée de “mettre en place des événements entre les différentes communautés et les journalistes, établir des relations avec des sources potentielles, instaurer la confiance et parfois simplement être visible”. Dans la même veine, The Sahan Journal a mis en place des “office hours” dans des médiathèques, durant lesquels les journalistes sont présents et disponibles pour répondre aux questions du public et comprendre les sujets qui les intéressent.

Récompenser les salariés fidèles avec des parts du médias

Créé en 1995, Seven Days est un journal hebdomadaire gratuit du Vermont. Pour anticiper la retraite à venir d’une des co-fondatrices, propriétaire à 50% du média, des bonus annuels ont été proposés à des salariés historiques à partir de 2010, pour leur permettre de racheter progressivement ses parts. Aujourd’hui, ils détiennent chacun 12% des actions. Depuis 2019, d’autres salariés du groupe ont été associés et détiennent aujourd’hui 1% chacun. “L’objectif était de récompenser ces employés fidèles, mais aussi de créer un groupe multi-générationnel représentant différents services qui se sentent vus et appréciés, et qui agissent comme des propriétaires”, explique Paula Routly, cofondatrice de Seven Days.

Développer les collaborations entre médias locaux

Autre point commun : ils collaborent avec d’autres médias locaux et partagent leurs contenus afin de leur donner plus de visibilité. C’est ce que propose le média local d’investigation Public Source depuis ses débuts. Un modèle adopté en France par Splann!. Le média de Pittsburgh collabore aussi régulièrement avec la rédaction de la radio publique locale et d’autres pure players locaux sur des enquêtes. De son côté, le média en ligne Bridge Michigan propose le partage de ses articles via un accord de syndication avec la Michigan Press Association. Cet accord permet aux médias membres d’accéder aux contenus de Bridge Michigan à faible coût et de pouvoir les partager sur leurs propres plateformes.

👉 Découvrir les 12 interviews de dirigeants de médias locaux

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8 projets inspirants

Youtube

Produire de l’info de qualité à destination des jeunes en s’inspirant des codes des Youtubeurs. C’est le pari de Ouest-France, avec sa nouvelle chaîne Youtube Kolok. Ce projet piloté par Loup Lassinat-Foubert, chef de projet éditorial, a été monté avec une équipe de jeunes journalistes (tous ont moins de 26 ans). Le traitement se veut décalé avec une touche d’humour et une forte incarnation. “On voulait proposer une manière plus divertissante de raconter l’actualité, en adoptant un ton léger assumé”, explique Loup Lassinat-Foubert au Figaro. On y retrouve des formats longs et immersifs sur des sujets plutôt nationaux. Côté modèle économique, le groupe envisage des collaborations commerciales à l’image de celles des créateurs de contenus.

 

Vidéo

Le Télégramme développe sa stratégie autour de la vidéo avec l’acquisition de Link AM, société basée dans la région Rhône Alpes, qui produit de la vidéo de communication (institutionnel, brand content) mais aussi des documentaires et magazines. “La vidéo est un relais de croissance clé, nous visons la réactivité et la qualité, avec une capacité à produire rapidement des contenus d’actualité et des vidéos thématiques”, explique Guillaume Vasse, directeur du développement numérique du groupe. Le Télégramme prévoit également d’investir davantage dans le secteur de la vidéo digitale et de l’influence.

Bistrot

Au mois de novembre, les 10 chaînes régionales de BFM ont lancé un concours du meilleur bistrot de France. 400 candidatures ont été reçues. Un jury de journalistes et professionnels de la restauration a ensuite sélectionné trois finalistes pour chaque chaîne locale. C’est désormais au public de voter pour le vainqueur de chaque région. Les lauréats seront annoncés sur les antennes locales début décembre.

 

Magazine

Fini le format dépliant et cartographique. Après une pause, le magazine nantais des solutions locales, Les Autres Possiblesrevient avec une nouvelle formule de 30 pages qui “explore les points de rencontre entre enjeux sociaux et écologiques”, en laissant davantage de place aux témoignages de ceux qui vivent la transition écologique. Le premier numéro est consacré à la reconversion d’une des dernières centrales à charbon de France, celle de Cordemais en Loire-Atlantique.

 

Radio

Dans la Lettre Pro de la radio, Caroline Chicard-Kubler, directrice de Mont Blanc Medias revient sur le développement de la radio savoyarde en média 360° et sa transformation depuis 4 ans. Deux programmes ont notamment été lancés : le concours éco-tremplin qui récompense des entreprises locales agissant en faveur du développement durable et vient d’achever sa 4e saison, et Top Fab, “le Top chef de l’industrie”, un programme audiovisuel dans lequel on suit des lycéens dans la fabrication d’un robot.

 

Nouveau média

The Green Line s’est lancé en 2022 avec l’objectif de reconnecter la jeunesse de Toronto avec les médias. Pour cela, le média en ligne propose chaque mois des “parcours d’action”, dans lequel il s’attache à un problème local et l’explore jusqu’à en trouver les solutions. D’abord pensé en priorité pour les médias sociaux, The Green Line a dû pivoter après le bannissement de l’info sur Meta au Canada pour retrouver du trafic organique, comme l’explique sa fondatrice sur le site du Nieman Lab. Aujourd’hui, le média a retrouvé ses audiences et est rentable, notamment grâce aux nombreux partenariats qu’il développe.

 

Long format

À l’occasion des Media Freedom Awards, organisés en Grande-Bretagne, Behind Local News revient sur les projets de médias locaux récompensés ou nommés. Dans la catégorie Innovation de l’année, on retrouve notamment Austerity City, un long format interactif développé par Liverpool Echo et Reach Data Unit. Ce projet revient sur 14 années de politiques publiques conservatrices menées à Liverpool et leur impact sur la population, à travers une analyse approfondie de données locales.

 

IA

Dans le Val d’Oise, la ville de Jouy-le-Moutier a lancé un compte Whatsapp, dont les réponses sont générées par une IA. Objectif : répondre aux questions basiques des administrés sur la vie locale, les démarches administratives ou les services municipaux.

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Disparition

Dans l’Ain, La Tribune républicaine tire sa révérence après 122 ans d’existence. L’hebdo du groupe Le Messager avait vu son nombre d’abonnés chuter et n’était plus rentable. Il avait notamment perdu l’accréditation pour les annonces légales après être passé sous le seuil des 2 000 exemplaires. De l’autre côté des Alpes, Le Courrier, quotidien de Genève, en difficulté financière, alerte sur l’état de la presse locale en Suisse et le risque de disparition de titres.

 

Abandon

Dans le sillage du Guardian et de La Vanguardia, Ouest-France a décidé de suspendre ses publications sur X (ex-Twitter). Depuis un an déjà le quotidien régional avait réduit la voilure, en passant de 200 posts par jour à une vingtaine par semaine sur son compte général. “Il ne nous semble  ni judicieux ni opportun d’alimenter ce réseau, tant que de sérieuses garanties ne sont pas déployées face à la désinformation, face au harcèlement et face à la violence”, précise le quotidien. Il continuera d’intégrer des publications X dans ces articles dans le cas d’informations originales publiées sur la plateforme.

 

Procédure-baillon

Menacé par une procédure-baillon, Rue89 Strasbourg lance une campagne pour financer ses frais de justice. Son objectif, réunir 10 000 euros d’ici la fin du mois de janvier, est en passe d’être atteint.

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