À l’initiative de l’association Télénantes, un état des lieux inédit des médias locaux alternatifs nantais a été réalisé et présenté au public le 25 septembre 2024 en préambule du Festival de l’info locale. Cette étude a été réalisée sur la base d’un questionnaire pour les données quantitatives et d’entretiens qualitatifs auxquels 35 structures ont participé. Voici quelques enseignements à retenir.
50 médias alternatifs recensés
L’étude s’est centrée sur les médias alternatifs qui produisent de l’information locale et qui sont basés dans la métropole nantaise (23 communes). “Nous avons volontairement exclu des critères de professionnalisation (nombre de journalistes et/ou de cartes de presse), l’important pour cet inventaire étant de compter les titres qui produisent une information locale de façon indépendante, c’est-à-dire sans groupe/investisseur ou collectivité en soutien ou à la manœuvre”, explique Marie Le Douaran de la revue Les Autres Possibles, qui a coordonné l’étude.
Les médias de presse écrite sont les plus représentés (18), suivi des médias en ligne (16) et des radios (12). On y retrouve également des médias uniquement diffusés via une newsletter comme L’Essentiel Nantes ou sur Instagram, comme Imminente. “L’effervescence qu’a connu Nantes en termes de création dans les années 2000 a permis de dessiner le paysage actuel. Les créations plus récentes sont sans doute plus fragiles mais plus créatives apportant de la diversité au territoire”, estime Patrick Ardois, membre fondateur de l’association Télénantes.
Un poids économique non négligeable
Les informations recueillies lors des entretiens permettent de mieux cerner le poids économique de ces médias alternatifs. Sur les 50 médias recensés, 28 ont accepté de partager leurs informations économiques. Ils représentent 123 emplois salariés équivalent temps plein, auquel s’ajoutent plus de 900 bénévoles et 12 services civiques. Le chiffre d’affaires cumulé de ces médias est supérieur à 5 millions d’euros. “C’est à mon sens une vraie richesse et une vraie force pour le territoire, à la fois démocratique et économique”, s’enthousiasme Marie Le Douaran, qui a été surprise par l’ampleur de ces chiffres.
Des modèles économiques divers et fragiles
Un autre enseignement de cette étude est la diversité des modèles économiques. Moins d’un tiers des médias bénéficie d’aides publiques ou de subventions, issues des collectivités locales et de l’État. Les radios associatives sont celles qui en dépendent le plus fortement à travers le fonds de soutien à l’expression radiophonique, menacé d’être amputé d’un tiers lors du projet de lois de finance 2025. L’éducation aux médias est aussi une source de financement importante pour près d’un tiers d’entre eux. Certains en ont fait leur raison d’être, comme L’Onde porteuse, qui est un chantier d’insertion par la radio. D’autres en on fait une source de diversification comme le média associatif Vlipp ou la radio Prun’.
Une majorité des médias interrogés ont une visibilité économique réduite à 3-
6 mois. “Le territoire nantais est riche en médias, avec une belle diversité d’expressions et d’engagements, mais c’est un archipel fragile. Économiquement, c’est souvent héroïque”, conclut Emmanuel Bouvet, journaliste qui a mené les entretiens.
Pour en savoir plus :
👉 L’interview croisée de Patrick Ardois, Marie Le Douaran et Emmanuel Bouvet
👉 La synthèse des entretiens menés pour cet étude
👉 L’inventaire des médias alternatifs nantais
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7 projets inspirants
Climat
Sud Ouest lance la 5e saison de son projet éditorial Déclic qui raconte le changement climatique à l’échelle du territoire. Jean-Pierre Dorian était venu nous le présenter au FIL en septembre. Pour cette nouvelle saison, le quotidien s’intéressera particulièrement à l’érosion du littoral.
L’association Expertises Climat, grâce au soutien de la Fondation de France, lance un programme de 3 ans pour renforcer les liens entre chercheurs et médias régionaux autour des enjeux environnementaux. Les régions Occitanie et Grand Ouest seront pilotes sur ce projet, qui s’étendra ensuite sur d’autres territoires. Les chercheurs mobilisés seront formés à la prise de parole dans les médias. Des rencontres seront également organisées avec les journalistes intéressés sous la forme de webinaires, de conférences thématiques et de visites de terrain.
Nécro
Aux Etats-Unis, The Courier Eco Latino a créé une plateforme de nécrologie en ligne pour mieux servir ses lecteurs, mais aussi générer de nouveaux revenus. Les familles peuvent ainsi directement télécharger les avis de décès sur la plateforme, avec trois tarifs selon la taille et la valorisation du contenu. Un service utile pour les familles et qui devrait permettre au média de gagner 90 000 dollars annuels. Grâce à des partenariats avec des pompes funèbres locales, la plateforme permet également aux familles d’acheter des fleurs, des repas et des cadeaux commémoratifs. En France aussi, ce sujet intéresse les médias locaux. Le groupe Rossela récemment acquis la startup Alanna, spécialisée dans l’accompagnement digital des familles en deuil.
IA
À l’occasion du Newsroom Summit de Zurich, David Higgerson, éditeur numérique en chef de Reach Plc est revenu sur le déploiement de l’IA au sein du groupe de presse qui compte une centaine de titres régionaux. Deux outils internes ont été mis en place: Guten et Mantis. Le premier permet notamment de générer des articles au format adéquat à partir de sources fiables. Ceux-ci peuvent être ensuite relus par les journalistes avant publication. L’outils a permis de générer 1 milliard de pages 🤯 ce qui représente 25% de la production éditoriale du groupe.
La bonne paye
En Suisse, le site d’information locale Pilatus Today propose à ses lecteurs de cumuler des points selon leurs interactions avec ses contenus. Par exemple, des visites quotidiennes du site web rapportent 50 points, la lecture d’un article 35… Ces points permettent de participer à des jeux concours ou remporter des lots. Un projet repéré via la veille de Jean Abbiateci.
Le quotidien régional Le Progrès se lance à son tour sur Whatsapp. Il propose un nouveau rendez-vous à ses lecteurs « la pause dej’ de l’info » tous les jours à midi, du lundi au dimanche, avec une sélection de contenus.
Nouveau média
PHRases revient cette semaine sur l’aventure de TaVille TaVie, média 100% numérique lancé dans les Alpes Maritimes en 2023. Présent essentiellement sur les réseaux sociaux, il met en avant des personnalités du territoire dans des formats portraits vidéos. Son modèle économique se base sur des vidéos réalisées en partenariat avec des annonceurs ou collectivités (environ 40% de ses contenus). 3 personnes travaillent pour le média qui a généré 100 000 euros de revenus depuis un an.
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Déserts d’info
Le 3e rapport annuel sur l’état de l’info locale aux Etats-Unis a été publié par la Local News Initiative de Mediil. Les chiffres présentés dans cette étude montrent l’inexorable déclin de la presse locale outre-Atlantique : près de 3 300 journaux ont disparu depuis 2005 et près de 208 comtés ne comptent aucun média. Mais comme le rappelle, le NiemanLab, recenser l’ensemble des rédactions locales à l’échelle nationale n’est pas évident, et la méthodologie de cette étude a subi quelques critiques. En réaction, la Local News Initiative a intégré de nouveaux acteurs comme les réseaux de newsletters locales et rendu ses données plus transparentes cette année. Pour ce qui est de la situation des médias locaux en France, nous travaillons actuellement à Ouest Médialab sur la mise à jour de notre cartographie des rédactions locales, que nous vous présenterons prochainement lors d’un webinaire 👀.
Éduc’ médias
Vous avez lancé une initiative d’éducation aux médias ? Les candidatures sont ouvertes pour les prix EMI des Assises du journalisme de Tours. Vous avez jusqu’au 20 janvier pour déposer votre dossier parmi les cinq catégories : médias, écoles, associations, bibliothèques et régions Centre-Val de Loire.
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