Soirée d’ouverture du FIL : « c’est au niveau local qu’on peut regagner la confiance »
Moment fort du FIL, la soirée d’ouverture du festival a été l’occasion pour les festivaliers d’échanger sur la crise de confiance des médias et d’aborder les solutions possibles. Parmi elles, les initiatives journalistiques au niveau local apparaissent comme une étape inévitable pour regagner la confiance, d’après les intervenants de la table-ronde.
Pour ouvrir cette quatrième édition du Festival de l’Info Locale, les festivaliers se sont réunis mercredi soir pour la table ronde « Médias : plus de proximité pour plus de confiance ? ».
Dès jeudi, conférences et ateliers s’enchaînent pour ces professionnels venus échanger sur leurs bonnes pratiques et leur point de vue sur l’information locale. Mais pour le moment, tous sont réunis dans une des salles du Médiacampus, au coeur du quartier de la création de Nantes.
Cinq professionnels des médias, sont invités à échanger sur le sujet de l’information locale et de la confiance des médias : Isabelle Staes, Directrice de l’information régionale de France 3, François-Xavier Lefranc, directeur des rédactions du groupe Ouest-France, Emlyn Korengold, co-directeur général d’Edelman France, Anne-Sophie Novel, journaliste, autrice du livre « Les médias, le monde et nous » et Ludovic Blecher, responsable de l’innovation chez Google News Initiative. Face à eux, dans l’assemblée, professionnels des médias et représentants locaux, impatients d’assister à cet échange qui marque l’ouverture de cette 4ème édition du FIL !
Pour ouvrir la conférence, chaque intervenant évoque un mot qui selon lui représente au mieux la relation du public avec les médias aujourd’hui. « Complexe » selon Anne Sophie Novel. La phrase prononcée par un interviewé dans son documentaire Le monde les médias et moi résume bien la situation d’après elle : « C’est le bordel ».
Un chiffre en particulier résonne, comme une sonnette d’alarme pour ces professionnels de l’information : seulement 38% des Français.es, disent avoir confiance en les médias. Avec ce chiffre, la France se place à la quarantième position sur 41 pays ayant participé à l’étude.
Des chiffres sévères qui doivent faire réagir les médias, ils en ont bien conscience.
Médias : une crise de la confiance
Isabelle Staes, Directrice de l’information régionale de France 3, pose le décor : pour elle, les médias locaux sont synonymes de confiance pour le public, alors que les réseaux sociaux et les médias nationaux leur inspirent davantage de défiance.
Pour Francois-Xavier Lefranc, directeur des rédactions de Ouest France, aujourd’hui la relation avec les médias est avant tout « paradoxale ». En effet, ces chiffres entrent en contradiction avec les pratiques médiatiques observées chez les français. Les médias sociaux sont ceux qui attirent aujourd’hui une majeure partie de l’audience, alors que ce sont aussi ceux qui inspirent le moins confiance.
Pour les invités, l’origine de cette défiance se trouve entre autres dans une mauvaise connaissance des médias. Quand on connaît mal, il est difficile d’avoir confiance. Pour Anne Sophie Novel, il y a, chez les français, une tendance à mettre tous les médias dans le même
sac. L’utilisation du terme unique « média » est d’ailleurs réductrice. « C’est un terme trop large, il cache plein de choses différentes en réalité », affirme Ludovic Blecher.
Un problème d’accès et de compréhension
Anne Sophie Novel met aussi en évidence un problème d’accès à l’information : « Il n’y a que 11% des gens qui sont hyper-connectés à l’info et qui ont le sentiment d’y voir clair ». Les Français ont aujourd’hui tendance à se détourner de l’actualité : « Quelque chose se brise entre les médias et les citoyens et il très important de retisser le lien » affirme-t-elle. Ludovic Lefranc confirme : « Ce qui m’inquiète le plus, c’est cette rupture du lien. C’est quand le lien se brise qu’il y a un vrai danger ».
« Quelque chose se brise entre les médias et les citoyens » Anne Sophie Novel
Cette mauvaise compréhension du métier peut en effet aller jusqu’à des agressions de journalistes, de plus en plus nombreuses ces dernières années. « C’est une réalité qu’il ne faut pas oublier » met en garde François Xavier Lefranc . Pour Isabelle Staes, « si un verrou a sauté au moment des Gilets jaunes sur les agressions de journalistes, le Covid a été une deuxième étape. On a reproché aux médias d’être trop proches du pouvoir : la crise de confiance envers les médias est très liée à la crise de confiance des institutions. »
Leurs discours convergent : l’urgence est maintenant de regagner la confiance du public. En tant que professionnels des médias, c’est désormais une de leurs premières préoccupations.
Mais comment regagner cette confiance ? Comment rétablir le lien avec le public ?
Le journalisme de proximité : une solution ?
Les intervenants présents à la table-ronde sont tous d’accord : pour regagner la confiance du public, un retour vers l’information locale est essentiel. Isabelle Staes souligne le succès que représente le local pour France Télévisions : 8 Français sur 10 font confiance aux journaux régionaux de France 3. Il s’agit de la cote de confiance la plus élevée du paysage audiovisuel français, se félicite-t-elle. Anne Sophie Novel confirme « J’ai la conviction que c’est au niveau du local qu’on peut regagner la confiance ».
Pour ces professionnel.le.s, tout l’enjeu est donc de réussir à revaloriser le local, et donner un prisme régional sur l’information nationale. Cette concentration sur le local n’est pourtant pas évidente pour les journalistes français, alors que plus 55% d’entre eux sont concentrés sur l’Ile-de-France et l’étranger. « Il y a dans la profession une forme de mépris du local, d’où l’importance d’en parler, souligne François Xavier Lefranc. Pour le moment, le local et le territoire dans toute sa diversité n’intéressent que trop peu les journalistes ».
Ainsi, la tâche n’est pas aisée, mais avec le retour au local dans les médias, ces professionnels semblent déterminés à « écrire une nouvelle histoire de l’information », pour reprendre les termes d’Isabelle Staes.
Favoriser l’interaction pour se reconnecter au public
Une autre urgence, pour les intervenants : recréer le lien avec le public, mis à mal depuis quelques années. Pour ça, plusieurs initiatives de co-construction avec leurs audiences représentent pour eux un modèle d’inspiration.
Pour Ludovic, responsable de l’innovation chez Google News Initiative, il est nécessaire de répondre aux questions des lecteurs : « les gens ont envie de savoir comment l’information se fabrique ». L’ouverture des salles de rédaction est un exemple d’initiative permettant l’interaction avec l’audience.
« Il nous faut écrire une nouvelle histoire de l’information » Isabelle Staes
François Xavier Lefranc confirme, il faut être plus proche des citoyens. Pour aller dans ce sens, Ouest-France a justement ouvert ses rédactions qui récoltent plus de 600 questions de lecteurs par mois, ce qui permet de se rapprocher des préoccupations de l’audience. Ce genre d’exemple montre aux citoyens qu’ils peuvent avoir un lien de proximité et de confiance avec leurs médias, c’est un moyen de renouer le lien de confiance.
Ainsi, le besoin de co-construire l’information avec son public est unanimement souligné par les intervenants. Pour Isabelle Staes, il est nécessaire que les médias soient porteurs et garants de cette interaction pour développer la relation avec les citoyens. Alors que la confiance en les médias chute, il est nécessaire de se présenter auprès les citoyens comme un « phare », un « repère », dans la surabondance d’information.