Archant et Google à la reconquête des lecteurs de Peterborough
Depuis 2019, Google a crée un programme d’expérimentations dans le domaine de l’info locale pour répondre à la problématique des « News deserts » : ces zones géographiques sans journaux locaux. Natalie Gross, en charge du programme, en résume les trois axes majeurs :
- Lancer des sites expérimentaux d’info locale : Google cherche des partenaires locaux qui fonctionnent pour analyser leur business model, et voir s’il est possible de les appliquer dans d’autres contextes.
- Développer des outils d’édition : réduire la complexité technique de la publication en ligne.
- Partager le savoir : Le programme est en contact avec des médias locaux permanents pour distribuer des études, statistiques et « best practices ».
Au Royaume-Uni, Google est partenaire du groupe de presse Archant, qui possède une cinquantaine de titres, journaux locaux et magazines. Archant faisait face à un problème partagé par de nombreux groupes de presse : ils souhaitaient expérimenter pour trouver de nouveaux business modèles, mais ne disposait pas d’assez de fonds pour prendre ce genre de risque. Le partenariat avec Google a assuré non seulement les fonds nécessaires, mais également la certitude que le savoir généré serait partagé avec les autres acteurs de l’info locale.
Un des fruits de cette collaboration est le Peterborough Matters, un site internet d’information locale, explique Matt Kelly, qui dirige la stratégie de contenu du groupe de presse Archant. Située à l’Est de l’Angleterre, la ville historique de Peterborough comptait il y a 20 ans deux journaux locaux quotidiens et trois hebdomadaires, employant des dizaines de journalistes. En 2019, la ville ne comptait plus que de deux correspondants locaux de médias nationaux, pour couvrir l’actualité d’une ville de 200 000 habitants.
Le site internet de Peterborough Matters a été créé sur le modèle du groupe canadien Village Media (voir le replay de la conférence de son fondateur, Jeff Elgie). Cette architecture a été choisie car considérée comme simple, robuste et facile à utiliser pour l’équipe de rédaction.
Pour l’équipe éditoriale, le nouveau média a embauché en priorité des habitants de longue date de Peterborough, y compris d’anciens journalistes qui s’étaient reconvertis après la disparition des journaux. En embauchant des journalistes connaissant déjà intimement la ville et ses habitants, le journal a pu gagner une longueur d’avance dans son implantation locale.
Le Peterborough Matters se veut le porte-parole de la communauté locale. Le média n’a pas de bureau, préférant que ses journalistes soient dans les rues de la ville. Le journal s’est ouvert en organisant des rencontres durant lesquels les citoyens décidaient de l’ordre du jour. Le Peterborough Matters cherche à faire partie intégrante de la communauté par une attitude pro-active, plutôt qu’en maintenant une distance avec les populations locales au nom d’une certaine forme d’objectivité. Le but étant de créer un réel attachement de la communauté au site, en espérant qu’il se traduira par un soutien financier
L’objectif du journal était de créer chez les lecteurs une habitude de visite répétée. Pour cela, ils ont du prendre en compte le type de contenu le plus recherché par la population locale. Bien qu’ils puissent être considérés comme moins « journalistiques », des contenus comme les horaires des transports en commun, la météo ou le programme de la télévision locale amènent un trafic important au site.
Pour toucher la communauté d’origine asiatique (principalement Inde et Pakistan) constituant prés de 12% de la population de Peterborough, la rédaction a embauché une journaliste parlant l’Urdu.
Le résultat de tous ses effort est un lectorat de plus 400 000 lecteurs par mois, dont près de 116 000 lecteurs réguliers. Le média préfère approfondir l’investissement de ses lecteurs plutôt que de développer une audience large. Suite au confinement, la rédaction espère pouvoir reprendre une activité normale dans les prochains mois.
Valérie Bridard