Diversité dans les médias : « J’ai maintenant le pouvoir de décider ce qui s’écrit »
Lela Savić est rédactrice en chef et fondatrice de La Converse, un nouveau média local de Montréal. Pour elle, il faut être engagé dans une représentation juste et équitable de toutes les communautés.
À travers le traitement de plusieurs sujets, Lela Savić souhaite montrer les différences de considération, de cadrages et de représentation entre les personnes racisées et des personnes, le plus souvent, blanches et occidentales.
Lorsqu’on parle de diversité, c’est une manière très polie de parler de racisme sans devoir le nommer.
Lela Savić
Au Canada, ce sont souvent les femmes et hommes autochtones qui font l’objet d’un traitement biaisé. « Ils sont souvent représentés comme des personnes qui cherchent de l’argent ou comme des guerriers« , explique Lela Savić, « or les mots choisis émanent de notre savoir. » La communauté Rom est également sujette aux amalgames et épinglée comme groupe criminel. Lela Savić insiste sur l’emploi du vocabulaire. Cela inscrit une réalité. En France, les termes de terroristes sont selon elle bien moins souvent employés pour désigner un tireur blanc et elle cite Le Parisien, Le Monde, BFMTV, RTL, FranceInfo.
Les journalistes racisés sont également touchés par cette différence de traitement médiatique. « Ils sont régulièrement qualifiés de militants lorsqu’ils prennent la parole sur les enjeux qui les touchent mais les journalistes blancs, lorsqu’ils le font, ce sont des journalistes humains », commente Lela Savić. Elle témoigne avoir vécu ce déni d’existence, ce déni de pensée. Une violence quotidienne qui a un impact important sur l’exercice de leur métier car beaucoup décrochent assez tôt.
Cet idéal d’objectivité par lequel on bénit les journalistes ne leur permet pas de penser à leur positionnement.
Lela Savić
Pour Lela Savić, une démarche efficace en faveur de la diversité est « d’investir dans des médias détenus par des personnes racisées ou de mettre les personnes racisées dans des positions de pouvoir« . En effet, il ne suffit pas d’embaucher des personnes racisées car selon elle, la diversité ne fonctionne pas si elle n’est pas accompagnée d’un agenda anti-raciste.
Et à travers La Converse, c’est le but qu’elle poursuit. Elle souhaite pouvoir modifier l’écosystème médiatique, faire réagir d’autres rédactions par les sujets et approches choisis. La Converse mène notamment des projets dans les communautés et avec des membres de ces communautés.
Lela Savić s’affirme comme n’étant « pas un sujet d’article » et comme ayant « maintenant le pouvoir de décider ce qui s’écrit. » Elle confie avoir subi des remarques et des comportements racistes dans plusieurs rédactions.
Si Lela Savić insiste sur le racisme, pour elle, la question de la diversité inclut également les femmes et les différences de classes économiques.
Quelques articles proposés par Lela Savić pour poursuivre sur le sujet :
- A Me Too moment for journalists of color de Soledad O’Brien,
- Objectivity is a privilege afforded to white journalists de Pacinthe Mattar
- Le mirage de la diversité de Noémie Mercier
- Le metwo des journalistes de Lela Savić et Takwa Souissi
Sophie Repoux